La périphrase est une figure de style de substitution qui consiste à remplacer un mot ou un groupe de mots par plusieurs mots dans un but stylistique. On peut retrouver cette figure de style dans différents types de textes.
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« Le Canada aura fait belle figure au pays du Soleil levant par sa récolte de 24 médailles. »
— Tokyo 2020 : Les jeux de la persévérance pour le Canada, François David Rouleau[1]
Dans cet extrait d’article, la périphrase au pays du Soleil levant remplace le mot Japon. -
« C’est le retour des séances de septième art en plein air dans la métropole. »
— Les écrans se rallument à Cinéma sous les étoiles, Marie-Josée R. Roy[2]
Dans cet extrait d’article, la périphrase septième art remplace le mot cinéma. -
« Néanmoins, notre flambée de bois mort nous réconforta petit à petit, et nous finîmes par nous mettre courageusement à la besogne. »
— La maison hantée et autres contes fantastiques, p. 60, Louis Fréchette[3]
Dans cet extrait de conte, la périphrase notre flambée de bois mort remplace le mot feu.
Pour repérer une périphrase, il faut porter une attention particulière aux expressions, généralement imagées, qui remplacent un seul mot ou un plus petit groupe de mots dont ils sont synonymes. Ces expressions mettent l’accent sur une caractéristique de l’élément qu’elles représentent.
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« Qu’importent les raisons, le prix de l’or noir monte et la situation en fait rager plus d’un. »
— Qui profite de l’or noir?, Olivier Bourque[4]
Dans cet extrait d’article, la périphrase l’or noir remplace le mot pétrole. Elle met l’accent sur la grande valeur de cette ressource qui est comparable à celle de l’or et sur sa couleur noire. -
« En tout, il restera 45 minutes au sommet. On ne s’éternise pas sur le toit du monde. »
— Alpinisme: Yves Laforest, le héros improbable, Gabriel Béland[5]
Dans cet extrait d’article, la périphrase le toit du monde remplace le groupe de mots le mont Everest. Elle met l’accent sur l’altitude de ce mont qui est le plus haut au monde. -
« Pour briser la monotonie des jours, le bon Dieu a fait cinq sortes de matins : les matins d’or, les matins gris, les matins blancs, les matins noirs, les matins rouges. Les plus riches sont placés à l’automne, saison de la récompense. »
— Andante, p. 39, Félix Leclerc[6]
Dans cet extrait de récit, la périphrase saison de la récompense remplace le mot automne. Elle met l’accent sur l’abondance des récoltes durant cette saison.
Plusieurs périphrases sont des expressions figées implantées dans le langage courant qui représentent une personne, un lieu, une époque, etc.
Périphrase |
Signification |
L’astre de la nuit |
La Lune |
Les forces de l’ordre |
La police |
La planète rouge |
La planète Mars |
La langue de Molière |
Le français |
La langue de Shakespeare |
L’anglais |
La Ville lumière |
Paris |
Le roi Soleil |
Le roi Louis XIV |
Le miroir de l’âme |
Les yeux |
Le roi des animaux |
Le lion |
La Belle Province |
Le Québec |
La périphrase est souvent formée d’une autre figure de style qui permet de mieux imager une réalité.
Ex. :
« Triste spectacle que cette carcasse perdue sous les flots, mais plus triste encore la vue de son pont où quelques cadavres, amarrés par des cordes, gisaient encore. »
—Vingt mille lieues sous les mers, p. 62, Jules Verne[7]
Dans cet extrait de roman, la périphrase cette carcasse perdue sous les flots est formée d’une métaphore qui compare un bateau à une carcasse.
La périphrase peut aussi être employée comme moyen de reprise d’information pour éviter les répétitions dans un texte.
Ex. :
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« […] tout d’un coup, sans l’aide du vent, par la seule puissance du soleil, le banc de brume se leva et le rocher Percé nous apparut. J’étais très impressionné par ce gigantesque bloc de pierre gisant au bord de la mer […]. »
— Un ange cornu avec des ailes de tôle, p. 193, Michel Tremblay[8]
Dans cet extrait de récit, la périphrase ce gigantesque bloc de pierre gisant au bord de la mer reprend le groupe de mots le rocher Percé. -
« Tout de suite, Ernest reconnait l’endroit : la plus haute montagne du monde. Le petit lapin aventurier aimerait tant pouvoir escalader cet énorme mont pour de vrai, un jour. »
— Ernest (le lapin qui avait la tête dans les étoiles), p. 12, Cara Carmina[9]
Dans cet extrait d’album jeunesse, la périphrase Le petit lapin aventurier reprend le mot Ernest.
La périphrase est une figure de substitution, car elle crée un rapport d’équivalence entre deux éléments. Elle permet de faire ressortir une caractéristique de la réalité qu’elle représente pour en dégager un sens, parfois mélioratif ou péjoratif. Ainsi, elle peut embellir, atténuer ou dévaloriser ce qu’elle décrit.
Lorsqu’on interprète une périphrase, il faut tenter d’émettre une hypothèse sur son sens en se basant sur l’effet créé par le remplacement et le contexte de l’œuvre. Voici des exemples de questions d’interprétation à partir d’extraits de textes et des pistes de réponses possibles.
Dans cet extrait du roman Atuk, elle et nous, le narrateur observe le corps de sa grand-mère qui vient de mourir et se remémore quelques souvenirs. Selon toi, qu’est-ce que la périphrase met en valeur dans ce témoignage?
« Le corps devant moi repose, figé dans la mort. […] Cette dépouille pommadée a dans sa jeunesse traversé en raquettes des forêts couvertes de neige épaisse, couru en mocassins sur l’humus moelleux. Ce corps qui a été jeune, mûr, et que j’ai connu déjà vieux n’est plus qu’une carcasse vidée de ses entrailles. »
— Atuk, elle et nous, p. 11, Michel Jean[10]
Pistes de réponses possibles
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Mise en évidence du sentiment d’inconfort du narrateur devant le corps de sa grand-mère
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Mise en évidence de l’absence de vie du corps
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Effet de contraste entre le corps énergique de la grand-mère lorsqu’elle était vivante et le corps inanimé de la grand-mère décédée
Selon moi, la périphrase Cette dépouille pommadée, qui remplace le mot corps, montre que le narrateur est affecté parce qu’il ne reconnait plus sa grand-mère décédée. En effet, il met l’accent sur le fait que le corps devant lequel il se trouve est inanimé et sans vie en employant le mot dépouille qui a le même sens que le mot cadavre. Il réussit ainsi à créer un contraste entre sa grand-mère énergique et aventureuse d’avant et sa grand-mère du présent, méconnaissable, qui est devenue une enveloppe dépourvue d’âme.
Dans cet extrait du roman Ru, la narratrice décrit une de ses enseignantes du primaire qu’elle a eue lorsqu’elle a immigré au Québec. Selon toi, que révèle l’emploi de la périphrase sur la perception qu’a la narratrice de son enseignante?
« Jeanne, notre fée en maillot et collant rose aux cheveux piqués d’une fleur, a libéré ma voix sans avoir utilisé les mots. Elle nous parlait […] avec de la musique, avec ses doigts, ses épaules. Elle nous montrait comment occuper l’espace autour de nous en dégageant nos bras, en levant notre menton, en respirant à pleins poumons. »
— Ru, p. 65, Kim Thúy[11]
Pistes de réponses possibles
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Mise en évidence du côté positif et coloré de Jeanne
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Embellissement de Jeanne pour faire comprendre l’impact qu’elle a eu sur ses élèves
Selon moi, la périphrase notre fée en maillot et collant rose aux cheveux piqués d’une fleur, qui remplace le mot Jeanne, révèle à quel point cette femme était appréciée par la narratrice. En effet, en la décrivant de manière positive, comme étant une fée qui portait des vêtements et des accessoires colorés, on comprend que cette femme était plus qu’une simple enseignante, mais bien une personne qui a marqué ses élèves et qui a enchanté leur quotidien.
Il existe d’autres figures de substitution.
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Rouleau, D. (2021, 7 aout). Tokyo 2020 : Les jeux de la persévérance pour le Canada. Le Journal de Montréal. https://www.journaldemontreal.com/2021/08/07/les-jeux-de-la-perseverance
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Roy, M.-J. (2022, 28 juin). Les écrans se rallument à Cinéma sous les étoiles. Journal Métro. https://journalmetro.com/culture/ecrans/2852966/ecrans-rallument-cinema-sous-etoiles/
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Fréchette, L. (1996). La maison hantée et autres contes fantastiques. Éditions CEC.
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Bourque, B. (2008, 3 juillet). Qui profite de l’or noir? La Presse. https://www.lapresse.ca/affaires/economie/200901/06/01-684131-qui-profite-de-lor-noir-.php
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Béland, G. (2013, 28 mai). Alpinisme: Yves Laforest, le héros improbable. La Presse. https://www.lapresse.ca/sports/201305/27/01-4654736-alpinisme-yves-laforest-le-heros-improbable.php
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Leclerc, F. (2012). Andante. Éditions Fides.
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Verne, J. (1977). Vingt mille lieues sous les mers. Éditions L’école des loisirs.
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Tremblay, M. (1994). Un ange cornu avec des ailes de tôle. Éditions Leméac.
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Carmina, C. (2021). Ernest (le lapin qui avait la tête dans les étoiles). Éditions Les Malins.
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Jean, M. (2021). Atuk, elle et nous. Éditions Libre expression.
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Thúy, K. (2014). Ru. Éditions Stanké.