Les lieux où les tensions et conflits font rage dans le monde sont multiples et ces derniers se manifestent également de plusieurs façons. Il existe toutefois des distinctions à faire entre une zone de tensions et une zone de conflits.
Zone de tensions |
Zone de conflits |
Peu ou pas d’affrontements armés. S’il y en a (émeutes, manifestations violentes, actes isolés de terrorisme, etc.), ce n’est pas fréquent. |
Affrontements armés d’une grande ampleur. Ce ne sont plus des cas isolés. Les groupes armés impliqués sont organisés et l’intensité des confrontations est très forte. |
Peu ou pas de victimes. | De nombreuses victimes. |
*Une zone de tensions peut se transformer en zone de conflits* Cause : différents acteurs ayant des intérêts qui ne conviennent pas à d’autres acteurs. Exemple : un territoire revendiqué par des groupes religieux ou ethniques, ou encore qui est convoité pour ses richesses naturelles. |
Comment faire pour déterminer l’intensité d’un conflit armé? On se base sur les indicateurs suivants : la durée des affrontements armés, leur gravité, le nombre de combattants, le type d’armes utilisées, le nombre de victimes, les dommages causés par les confrontations, etc.
Conflit interne ou autres situations de violence : quelle différence pour les victimes.
Des tensions ou des conflits peuvent advenir au sein d’un seul État (à l’intérieur de celui-ci) ou encore impliquer deux ou plusieurs États :
- on nomme un conflit armé qui se déroule au sein d’un seul État conflit armé non international OU conflit armé interne,
- on nomme un conflit armé qui se déroule au sein de deux ou plusieurs États un conflit armé international.
Lorsqu’un conflit armé fait beaucoup de victimes dans un ou plusieurs États, cela attire l’attention de la communauté internationale. L’une de ses principales préoccupations est : puis-je intervenir? D’un point de vue extérieur, on pourrait se dire : pourquoi se poser la question? Des droits de la personne sont bafoués, des milliers d’individus sont tués… Allons-y! Mais ce n’est pas aussi simple.
La principale caractéristique d’un État, c’est qu’il est souverain. « Souverain » veut dire que l’État n’a pas à obéir à aucune autre autorité que la sienne. C’est lui qui gère ce qui se passe sur son territoire et personne d’autre. La souveraineté des États implique le principe de non-ingérence.
Un État est un ensemble territorial et politique administré par un gouvernement et délimité par des frontières à l'intérieur desquelles vit une population.
L’ingérence désigne l’intervention d’un État ou d’une organisation internationale dans les affaires politiques, économiques, sociales, culturelles, religieuses ou humanitaires d’un autre État sans son autorisation. L’ingérence va à l’encontre de la souveraineté d’un État.
La souveraineté est le pouvoir absolu d’un État à se gouverner lui-même en faisant ses propres lois et en les faisant respecter sur son territoire. Un État souverain est indépendant, c’est-à-dire qu’il ne peut être soumis à aucun autre État ou institution.
Le principe de non-ingérence (ou de non-intervention) est universel. Il est d’ailleurs inscrit dans la Charte des Nations Unies, qui est le document établissant les principes fondamentaux des relations internationales.
À l’article 2.4, on peut lire : « Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force [...] ».
À l’article 2.7, on peut lire : « Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État [...] ».
Les interventions en zones de tensions ou de conflits ne sont donc pas toujours évidentes en raison de la souveraineté des États et du principe de non-intervention. L’organisation ou l’État qui intervient doit invoquer de bonnes raisons pour être en mesure de justifier une intervention.
L’intervention militaire ou humanitaire est donc l'ultime recours possible en cas de conflits selon l’ONU. Il y a toutefois des situations d’exception qui justifient de ne pas se plier au principe de non-ingérence. Une intervention peut donc être acceptable si elle est faite pour les raisons qui suivent.
Tout d’abord, si un État demande à un autre État d’intervenir dans ses affaires, l’intervention devient acceptable.
Ensuite, l’intervention est acceptable si :
- la situation observée dans un pays représente une menace à la paix mondiale ou à la sécurité internationale,
- une crise humanitaire fait rage à la suite d'une catastrophe naturelle ou d'un conflit armé et on assiste à une violation massive des droits de la personne,
- on observe une absence de protection de la population lors de crimes contre l’humanité ou de génocides.
Un crime contre l'humanité est une violation intentionnelle des droits fondamentaux d'un individu ou d'un groupe d'individus, basée sur des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux.
Des actes comme le meurtre, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation et la torture sont des exemples de crimes contre l’humanité.
Un génocide est l’extermination intentionnelle et organisée d’un groupe ethnique, religieux ou social. C’est un crime contre l’humanité tel que défini par le droit international.
Lorsqu’on observe l’une de ces situations, il devient acceptable que des acteurs (États, l’ONU, l’OTAN, ONG) demandent à intervenir. On invoque alors souvent le droit international humanitaire (DIH) et la protection des droits de la personne. Toutefois, lorsque la raison évoquée est la menace à la paix mondiale, le Conseil de sécurité de l’ONU est la seule autorité pouvant décréter qu’une intervention est acceptable. Plus encore, en toute circonstance, il est préférable d’avoir l’appui de cette autorité pour intervenir dans les affaires d’un autre État (sauf si c’est l’État qui en a fait la demande).
Les articles 41 et 42 de la Charte des Nations Unies concernant l'intervention de la communauté internationale lors d’un conflit.
Article 41 : « Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques. »
Article 42 : « Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l'Article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies. »
C’est en 1994, au Rwanda, qu’a eu lieu le génocide rwandais. Selon l’ONU, au moins 800 000 personnes (hommes, femmes et enfants) ont été tuées, la majorité étant des Tutsis. Des Casques bleus, envoyés par l’ONU, étaient sur place depuis 1993. Ils devaient aider les Tutsis et les Hutus à se réconcilier puisqu’une tension existait déjà entre les deux groupes.
Les Casques bleus n’ont pas l’autorisation d’utiliser leurs armes pour attaquer. Ils ne peuvent s’en servir que si leur vie est menacée. Le général canadien Roméo Dallaire est celui qui commandait la mission de l’ONU. Lorsque les affrontements ont éclaté, il a demandé plusieurs fois à ce que les Casques bleus puissent mieux intervenir, surtout pour défendre les civils. Mais l’ONU a refusé. 2000 Casques bleus ont été rapatriés. Il faut dire que, le premier jour du massacre, 10 Casques bleus belges ont été tués. Les soldats restants, au nombre de 270, avaient pour mission non pas d’aider la population, mais surtout de faire évacuer les étrangers qui étaient présents. Ils ont assisté, impuissants, à un des plus grands génocides de l’histoire. Le commandant de la mission des Casques bleus a demandé la permission d’utiliser leurs armes à feu dans un autre but que la légitime défense, mais l’ONU ne leur a pas accordé cette permission.
Pratiquement le même scénario a eu lieu lors du génocide en Bosnie-Herzégovine entre 1992 et 1995, une guerre qui a fait 100 000 morts. Ce moment a été très dur pour les soldats sur place. L’ONU a été grandement critiquée pour son incapacité à empêcher ces deux génocides. Ces massacres étaient connus de la communauté internationale et les Casques bleus y assistaient, impuissants et mains liées, mais aucune mesure supplémentaire n’a été prise.

La première guerre du Golfe (1990-1991) est un exemple d’attaque légale contre l’Irak. En effet, l’ONU a autorisé une intervention lorsque le gouvernement irakien a envahi le Koweït, son État voisin. L’ONU avait donné un avertissement clair à l’Irak : si elle ne retirait pas ses troupes du Koweït, elle autoriserait les États membres de l’ONU à user des moyens nécessaires pour faire respecter cette demande. Le gouvernement irakien a refusé d’obéir à cet ordre, donc le Conseil de sécurité de l’ONU a confié la direction de l’attaque à 28 de ses États membres, dirigés par les États-Unis. Des bombardements aériens et navals ainsi que des assauts terrestres ont été faits contre l’Irak lors d’une mission nommée Opération Tempête du désert. La mission ayant été un succès, l’Irak a dû se retirer du Koweït.
Certains affirment que lorsque la population civile est en danger, non seulement nous avons le droit d’intervenir, mais nous en avons le devoir. On parle alors d’une assistance humanitaire qui permet une certaine ingérence de type humanitaire. Cela concerne l’envoi de secours pour venir en aide aux populations qui sont dans une situation de crise humanitaire (en raison d’une catastrophe naturelle ou d’un conflit armé, d’un génocide ou de crimes de guerre, etc.).
En 2001, le rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États introduit un nouveau concept : la responsabilité de protéger. Ce concept a été ensuite repris lors du Sommet mondial de l’ONU de 2005. À cette occasion, tous les chefs d’État ont affirmé qu’il leur fallait assumer la responsabilité de protéger les populations lors de conflits armés. Cela signifie que :
- chaque État a la responsabilité de protéger sa population,
- la communauté internationale est responsable d’aider les États à le faire,
- la communauté internationale est responsable de protéger la population lorsqu’un État ne le fait pas.
La souveraineté des États représente non seulement des droits, mais également des responsabilités, qui doivent être assumées par la communauté internationale si un État ne le fait pas. Toutefois, en réalité, peu de gouvernements vont prendre des risques politiques, financiers ou encore humains pour intervenir dans un autre pays afin d’aider la population. Lors d’une intervention humanitaire dans un autre pays, l’État qui envoie de l’aide est souvent motivé par d’autres intérêts (affirmation de son pouvoir, prétexte pour s’ingérer dans les affaires du pays, visibilité internationale, etc.).