L’énumération, très similaire à l’accumulation, est une figure de style d’amplification qui consiste à lister plusieurs mots, expressions ou groupes de mots les uns à la suite des autres dans un but stylistique. On peut la retrouver dans différents types de textes.
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« On disait donc “folle aux chats”. Je vois. J’ai devant moi un véritable musée des félins : aimants, napperons, jarre à biscuits, et le calendrier le plus terrifiant que j’ai vu de ma vie! »
— 1re avenue, p. 26, Émilie Rivard[1] -
« Le professeur arrive, les élèves l’analysent. Ils le scannent de la tête aux pieds. Sa démarche, son habillement, ses cheveux, son poil aux oreilles, son manucure, ses mèches, son parfum, son accent, ses tics. Ils n’ont que ça à faire. Le regarder. Durant toute la période. »
— Si les profs pouvaient…, Stéphane Laporte[2] -
« Chez nous l’hiver, on l’embrasse à bras ouverts
Amenez-en des flocons, du frimas, du frette : on est pas frileux »
— Hymne à Québec, Loco Locass[3]
On peut repérer une énumération en relevant au moins trois mots, expressions ou groupes de mots qui ont la même catégorie grammaticale ou la même fonction syntaxique dans une même phrase, un même vers ou une même strophe. Ces éléments y sont la plupart du temps juxtaposés ou coordonnés.
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« Les oreilles bouchées par la pression du sang, Simon bifurque, se lance en avant dans le vide, saute par-dessus des tas de briques, s’empêtre, tombe, roule en se frappant la tête, se relève et reprend sa course folle en direction de la palissade. »
— La nuit rouge, p. 46, Gilles Tibo[4]Dans cet extrait de roman, il y a une énumération de différents groupes verbaux (GV) dans une phrase.
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« Il faut faire ses bandages, que je l’habille, que je le déshabille, que je le lave, que je lui mette ses couches, que je le surveille! J’vas capoter, moi, là, j’vas capoter! »
— Paul à Québec, p. 85, Michel Rabagliati[5]Dans cet extrait de bande dessinée, il y a une énumération d’un groupe de mots et de différentes subordonnées qui occupent la fonction de complément du verbe impersonnel dans une phrase.
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« Je me souviens
d’avoir eu un nom
un visage
un regard
une route
une voix
un poème
un cri »
— Bleuets et abricots, p. 62, Natasha Kanapé Fontaine[6]Dans ce poème, il y a une énumération de différents groupes nominaux (GN) dans une strophe.
Une énumération n’est pas toujours considérée comme une figure de style. Pour qu’elle en soit une, elle doit avoir un but stylistique, c’est-à-dire qu’elle doit être employée dans l’intention de rendre les mots plus forts et évocateurs.
Énumération ayant un effet stylistique |
Énumération servant à décrire ou à expliquer |
« Beaucoup d’étés, de printemps, d’automnes Dans cet extrait de roman graphique, l’énumération de plusieurs saisons permet d’insister sur la longue période d’attente du personnage. |
Il y a quatre saisons au Québec : le printemps, l’été, l’automne et l’hiver. Dans cette phrase, les saisons sont énumérées pour nommer les saisons du Québec. |
Dans un but stylistique, certains auteurs et autrices créent des énumérations en utilisant une ponctuation inhabituelle.
Ex. :
« Un accident de voiture. L’idée de perdre mon enfant. Les insultes face aux Innus. La mort. Les pères absents. Les coupes blanches dans le Nord. La misère de ma cousine et de ses deux enfants, mon incapacité à lui venir en aide. Les enfants maltraités. Les critiques de ma mère. Gabriel lorsqu’il ne rappelle pas. Les films trop beaux pour être vrais. L’oppression. L’injustice. La cruauté. La solitude. Les chansons d’amour. Les erreurs impardonnables. Les bébés qui ne naissent jamais. »
— Kuessipan, p. 12, Naomi Fontaine[8]
Dans cet extrait de roman, différents groupes nominaux sont énumérés, mais sont séparés par des points plutôt que par des virgules. Ils forment ainsi des phrases non verbales.
L’accumulation est également une figure d’amplification. Certains ouvrages de référence la distinguent de l’énumération en précisant que les éléments qui y sont énumérés ont la même signification : ils sont des synonymes. Par contre, dans l’énumération, les éléments qui sont énumérés n’ont pas nécessairement la même signification, mais ils sont tous liés à une même réalité.
Énumération |
Accumulation |
Le sac semblait vieux, poussiéreux, lourd, rugueux. Dans cette phrase, il y a une énumération, car les termes énumérés décrivent tous le sac, mais ne sont pas des synonymes. |
Le sac semblait vieux, ancien, antique, archaïque. Dans cette phrase, il y a une accumulation, car les termes énumérés sont tous des synonymes qui expriment que le sac est vieux. |
La gradation est également une figure d’amplification. Les éléments qui y sont énumérés ont un sens commun et suivent une progression croissante ou décroissante. Par contre, dans une énumération, les éléments qui sont énumérés ne suivent pas un ordre précis.
Énumération |
Gradation |
Ce coucher de soleil était magnifique, coloré, apaisant. Dans cette phrase, il y a une énumération, car les termes énumérés ne suivent pas d’ordre précis. Ce sont tous des traits différents attribués au coucher de soleil. |
Ce coucher de soleil était beau, magnifique, sublime. Dans cette phrase, il y a une gradation, car les termes énumérés suivent une progression croissante pour décrire la beauté du coucher de soleil. |
L’énumération est une figure d’amplification. Elle sert donc à amplifier ou à accentuer, entre autres, une action, une situation, une description ou une émotion. Elle peut aussi accélérer le rythme du récit ou de la lecture d’un texte.
Lorsqu’on interprète une énumération, il faut émettre une hypothèse sur son sens en faisant un lien entre l’effet créé et le contexte de l’œuvre. Voici des exemples de questions d’interprétation portant sur des extraits de textes et des pistes de réponses possibles.
Dans cet extrait du roman graphique Jane, le renard et moi, la jeune narratrice énumère les nombreuses tâches que sa mère doit faire le soir avant de prendre le temps de lui confectionner une jolie robe. Selon toi, quel est l’effet créé par cette énumération?
« Quand [ma mère] fait ça, je l’imagine penchée sur la vieille Singer passé minuit.
Après avoir fait le souper
Parti le lavage
Aidé mes petits frères avec leurs devoirs
Étendu le lavage
Changé l’aiguille du tourne-disque
Plié le linge
Changé le fusible du poêle
Celui du rond de droite
Celui qu’on utilise le plus
On ne sait pas pourquoi
Il cuit mieux c’est tout. »
— Jane, le renard et moi, p. 22-23, Fanny Britt[9]
Pistes de réponses possibles
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Effet d’amplification des nombreuses tâches de la mère
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Accentuation du dévouement de la mère pour ses enfants
Selon moi, l’énumération crée un effet d’amplification de la longue liste de tâches que la mère doit réaliser. En effet, on comprend que la mère fait tout pour subvenir aux besoins de ses enfants parce que, même si elle a énormément de corvées à faire, elle réussit quand même à accorder du temps à sa fille. Ainsi, l’énumération rend la mère encore plus admirable; on voit qu’elle ne compte pas les heures pour rendre ses enfants heureux.
Dans cet extrait du roman Il pleuvait des oiseaux, on décrit les ravages d’un feu de forêt. D’après toi, quel est l’effet créé par les énumérations présentes dans cette description?
« Le feu a des caprices qu’on ne s’explique pas. Il va sur les plus hauts sommets, arrache le bleu du ciel, se répand en rougeoiement, en gonflement, en sifflement, dieu tout puissant, il s’élance sur tout ce qui est vivant, saute d’une rive à l’autre, s’enfonce dans les ravins gorgés d’eau, dévore les tourbières, mais laisse une vache brouter son herbe dans son rond de verdure. Que peut-on y comprendre? Le feu, quand il a atteint cette puissance, n’obéit qu’à lui-même. »
— Il pleuvait des oiseaux, p. 68-69, Jocelyne Saucier[10]
Pistes de réponses possibles
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Effet d’amplification des effets du feu de forêt
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Démonstration de la puissance du feu
D’après moi, les énumérations créent un effet d’accumulation qui décrit l’ampleur des feux de forêts et ses lourdes conséquences. En effet, en énumérant différentes actions du feu, on comprend qu’il est puissant et qu’il ne s’arrête pas. Les énumérations permettent donc de démontrer que le feu ne laisse rien sur son passage et qu’il est dévastateur.
Il existe d’autres figures d’amplification.
1. Rivard, É. (2019). 1re avenue. Éditions AdA.
2. Laporte, S. (2009, 19 septembre). Si les profs pouvaient… La Presse. https://www.lapresse.ca/debats/chroniques/stephane-laporte/200909/19/01-903470-si-les-profs-pouvaient.php
3. Loco Locass. (2010). Hymne à Québec. [Enregistrement sonore]. La Série Montréal-Québec, Productions J.
4. Tibo, G. (1998). La nuit rouge. Éditions Québec Amérique.
5. Rabagliati, M. (2009). Paul à Québec. Éditions de la Pastèque.
6. Kanapé Fontaine, N. (2016). Bleuets et abricots. Éditions Mémoire d’encrier.
7. Lapointe, S. et Côté-Lacroix, D. (2018). Jack et le temps perdu. Éditions XYZ.
8. Fontaine, N. (2011). Kuessipan. Éditions Mémoire d’encrier.
9. Britt, F. et Arsenault, I. (2012). Jane, le renard et moi. Éditions de la Pastèque.
10. Saucier, J. (2011). Il pleuvait des oiseaux. Éditions XYZ.