La gradation est une figure de style d’amplification qui consiste à énumérer des mots, expressions ou groupes de mots selon une progression. Cette progression concerne le sens (signification) des éléments énumérés. Elle peut être croissante (gradation ascendante) ou décroissante (gradation descendante). On peut retrouver cette figure de style dans différents types de textes.
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« Sous son épiderme hâlé, camouflage naturel en cas d’émotions fortes, Dolorès était rouge d’humiliation, empourprée de honte, cramoisie de déshonneur. »
— Ta mort à moi, p. 61, David Goudreault[1] -
« Pas un nuage, pas même un minuscule début de brume chiffonnée à l’horizon : ce serait la journée de l’été, la journée exemplaire, l’étalon de l’année 87, la référence obligée, celle qui résumerait à elle seule la saison. »
— Juillet, p. 13, Marie Laberge[2] -
« Une nuit balance
Les heures, les minutes, les secondes
N’ont jamais été si proches de moi »
— Un thé dans la toundra, p. 92, Joséphine Bacon[3]
On peut repérer une gradation en relevant une énumération de mots, d’expressions ou de groupes de mots qui sont liés à une même idée et qui respectent une certaine progression. La gradation peut présenter des termes dont le sens augmentent en intensité (gradation ascendante) ou diminuent en intensité (gradation descendante).
Gradation ascendante (croissante) |
Gradation descendante (décroissante) |
« C’est ça la vie rêvée? C’est ici la terre promise? Une blague! Pire, un mensonge! Un leurre super ridicule. » Dans cet extrait de roman, il y a une gradation ascendante, car les groupes de mots énumérés Une blague, un mensonge et Un leurre super ridicule, tous liés à une situation trompeuse, augmentent en intensité de façon croissante. |
« En retrait, les mamans de Florent observent le trio Dans ce vers de poème, il y a une gradation descendante, car les mots énumérés tourbillonner, se dégourdir et s’épuiser, tous liés à l’énergie de Florent, diminuent en intensité de façon décroissante. |
Une gradation croissante se termine souvent par une hyperbole afin de démontrer l’intensité des propos.
Ex. :
« Depuis le temps qu’elle me suit à la trace, me colle à la peau, me ronge les os. »
— Est-ce que je te dérange?, p. 10, Anne Hébert[6]
Dans cette gradation croissante, on décrit l’obsession d’une femme envers un homme. Le dernier élément énuméré, l’expression me ronge les os, est une hyperbole, car le sentiment d’obsession y est exagéré.
L’énumération est également une figure d’amplification. Contrairement à la gradation, les éléments qui y sont énumérés ne suivent pas une progression et n’évoquent pas nécessairement une même idée.
Gradation |
Énumération |
Ce coucher de soleil était beau, magnifique, sublime. Dans cette phrase, il y a une gradation, car les termes énumérés suivent une progression croissante et décrivent tous la beauté du coucher de soleil. |
Ce coucher de soleil était magnifique, coloré, apaisant. Dans cette phrase, il y a une énumération, car les termes énumérés ne suivent pas une progression. Ce sont tous des traits différents attribués au coucher de soleil. |
La gradation est une figure d’amplification. Elle sert donc à amplifier ou à accentuer, entre autres, une action, une situation, une description ou une émotion, qu’elle soit positive ou négative. Elle peut aussi servir à créer un effet dramatique ou humoristique, ou à convaincre le lecteur ou la lectrice.
Lorsqu’on interprète une gradation, il faut émettre une hypothèse sur son sens en faisant un lien entre l’effet créé par la progression des termes énumérés et le contexte de l’œuvre. Voici des exemples de questions d’interprétation portant sur des extraits de textes et des pistes de réponses possibles.
Dans cet extrait du roman poétique Hier, tu m’aimais encore, la narratrice vit une peine d’amour. Elle tente d’oublier le garçon qui l’a quittée, mais elle y arrive difficilement. Selon toi, quel est l’effet de la gradation croissante dans ce passage?
« tu m’as laissée
point à la ligne
on change
de paragraphe
de chapitre
de roman
on change d’histoire d’amour
je suis
un cœur de pomme
qu’on a oublié sur le bord du comptoir »
— Hier, tu m’aimais encore, p. 44, Robert Soulières[7]
Pistes de réponses possibles
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Effet d’amplification des conséquences de la rupture, qui est difficile à surmonter pour la narratrice
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Comparaison de la rupture avec un changement d’une partie d’histoire à une autre, qui progresse de façon croissante
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Accent mis sur cet énorme changement dans sa vie
Selon moi, la gradation ascendante amplifie les conséquences que la rupture a dans la vie de la narratrice. En effet, cette comparaison entre les bouleversements qu’elle vit et des parties d’un livre de plus en plus grandes permet de comprendre que la rupture ne touche pas seulement une petite partie de sa vie (un simple paragraphe), mais sa vie au complet (une histoire). La gradation permet donc d’accentuer ce changement qui l’affecte énormément.
L’extrait suivant provient du roman Un homme et son péché, une histoire se déroulant au Québec au 19e siècle. Séraphin Poudrier, le personnage principal, se faufile dans une pièce où se trouve son argent, qu’il cache dans des sacs d’avoine. On décrit alors les émotions qu’il ressent lorsqu’il touche à sa richesse. D’après toi, qu’est-ce que la gradation croissante permet de comprendre par rapport aux caractéristiques psychologiques du personnage de Séraphin?
« Du premier coup il toucha la bourse de cuir. L’or, l’argent, les billets de banque, la vie, le ciel, Dieu. Tout. Il laissa filer un long soupir. »
— Un homme et son péché, p. 133, Claude-Henri Grignon[8]
Pistes de réponses possibles
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Démonstration de son caractère avare (possessif)
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Comparaison de la valeur qu’a l’argent pour lui, qui progresse de façon croissante
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Effet d’amplification de la valeur de l’argent pour le personnage
D’après moi, la gradation croissante permet de comprendre que le personnage est avare. En effet, la gradation ascendante est construite à partir de différents termes qui démontrent la valeur immense qu’a l’argent pour lui. Ce qui se trouve dans sa bourse n’est pas simplement de l’or. C’est plutôt comme un Dieu ou même Tout pour lui. On comprend donc à quel point toute sa vie et son bonheur dépendent de l’argent.
Il existe d’autres figures d’amplification.
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Goudreault, D. (2019). Ta mort à moi. Éditions Stanké.
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Laberge, M. (1993). Juillet. Éditions du Boréal.
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Bacon, J. (2013). Un thé dans la toundra. Éditions Mémoire d’encrier.
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Matteau, M. (2019). Entre ici et là-bas. Éditions David.
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Larochelle, S. et Patenaude, E. (2022). Le plus petit sauveur du monde. Éditions XYZ.
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Hébert, A. (1998). Est-ce que je te dérange? Éditions du Seuil.
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Soulières, R. (2015). Hier, tu m’aimais encore. Éditions Soulières.
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Gagnon, C.-H. (1986). Un homme et son péché. Les Presses de l’Université de Montréal.