L’ironie, aussi appelée antiphrase, est une figure de style d’opposition qui consiste à exprimer le contraire de sa pensée, avec l’intention que le destinataire comprenne que l’on pense l’inverse de ce qui est dit. On peut retrouver cette figure de style dans différents types de textes.
Remarque : Selon les ouvrages, l’ironie est parfois aussi considérée comme étant une figure de style de substitution, puisqu’on y remplace une idée par une autre.
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« Ta famille à toé! Une autre belle invention du bon Dieu! Quatre grandes yeules toutes grandes ouvertes, pis toutes prêtes à mordre quand t’arrives, le jeudi soir! »
— À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, p. 63, Michel Tremblay[1]Dans cet exemple, Une autre belle invention du bon Dieu fait comprendre l’idée contraire de ce qui est exprimé, soit le fait que la famille est une mauvaise invention.
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J’habitais dans un village où il n’y avait ni patinoire, ni piscine, ni restaurant. Bref, un patelin où il n’y avait rien à faire. C’était vraiment le paradis sur terre!
Dans cet exemple, C’était vraiment le paradis sur terre fait comprendre l’idée contraire de ce qui est exprimé, soit le fait que le village est ennuyeux.
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« Il en est des politiques d’immigration aujourd’hui comme des politiques concernant les femmes à une autre époque : on décidait sans elles ce qui était “bon” pour elles et on pouvait dire n’importe quoi à leur sujet. »
— En attendant que les temps changent, Rima Elkouri[2]Dans cet exemple, “bon” fait comprendre l’idée contraire de ce qui est exprimé, soit le fait que les décisions prises pour les femmes étaient souvent critiquables.
Pour repérer une ironie, il faut porter une attention particulière aux mots, aux expressions ou aux idées qui expriment le contraire de ce que l’énonciateur ou l’énonciatrice pense réellement. Voici quelques éléments qui peuvent permettre de former cette figure de style.
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Vocabulaire connoté (chance, exploit, paradis, enfer, etc.)
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Interjections (wow, félicitations, bravo, etc.)
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Certains types et formes de phrases (phrase exclamative, phrase négative, etc.)
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Certains adverbes (tellement, certainement, évidemment, vraiment, sans doute, etc.)
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Ponctuation expressive (points de suspension, guillemets, point d’exclamation, etc.)
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Procédés typographiques (italique, gras, MAJUSCULE, etc.)
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« On refait les manchettes, de temps en temps, quand quelque chose de “juteux” se produit. Quand les 241 marines américains et les 88 parachutistes ont été tués. Quand il y a beaucoup de morts et beaucoup de sang d’un coup. Quand ça fait des images “palpitantes” à montrer à la télévision. Le reste du temps, on nous oublie. »
— La route de Chlifa, p. 126, Michèle Marineau[3]Dans cet extrait de roman, les guillemets et les termes mélioratifs juteux et palpitantes créent l’ironie. En effet, ces procédés servent à exprimer le contraire de ce qui est dit, soit que les conséquences de la guerre sont déplorables et attristantes.
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« On insiste aussi sur “les faiblesses en matière de capacités de surveillance par satellite” et les “retards dans l’approvisionnement des navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique”.
Joyeux portrait! »
— De vieilles Volvo pour notre armée, ça suffit!, Alexandre Sirois[4]Dans cet extrait de chronique, le point d’exclamation et le terme mélioratif Joyeux créent l’ironie. En effet, ces procédés servent à exprimer le contraire de ce que le journaliste pense, soit qu’il trouve que le portrait est désastreux.
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Travailler 25 heures par semaine durant ta session d’examens ne nuit clairement pas à ta réussite scolaire…
Dans cet exemple, la phrase négative, l’adverbe clairement et les points de suspension créent l’ironie. En effet, ces procédés servent à exprimer le contraire de ce qui est dit, soit que trop travailler durant une session d’examens peut nuire à la réussite scolaire.
L’ironie n’est pas un mensonge, car elle ne vise pas à tromper le ou la destinataire. Lorsqu’on emploie l’ironie, on laisse clairement entendre le contraire de ce qu’on affirme avec une intention précise. Pour différencier le mensonge de l’ironie, il faut se baser sur les indices du texte et le contexte de l’œuvre.
Parfois, l’ironie est développée dans un paragraphe, un chapitre ou un texte en entier. Lorsque c’est le cas, on parlera davantage de ton ironique que de la figure de style de l’ironie.
Ex. :
« Si la vie vous intéresse
Vous êtes à la bonne époque
Venez célébrer cette Grand-messe
Vous vous sentez inutiles?
Consommez! On a du stock
Pour combler l’trou de vos vies serviles! »
— Si la vie vous intéresse, Les Cowboys fringants[5]
Dans cet extrait de chanson, tous les vers servent à construire un message ironique qui vise à exprimer le contraire de ce qui est dit, soit le fait qu’il est urgent de freiner la surconsommation.
L’ironie est une figure d’opposition, car elle crée un contraste entre une idée qui est écrite dans le texte et son contraire, qui est implicite (sous-entendu). Ainsi, elle peut permettre de dénoncer une réalité, de choquer, de faire rire, de déstabiliser, de remettre en question, de ridiculiser, etc. Elle peut aussi permettre d’amplifier une idée ou une caractéristique.
Lorsqu’on interprète une ironie, il faut tenter d’émettre une hypothèse sur son sens en se basant sur l’effet créé par l’opposition ou le remplacement et le contexte de l’œuvre. Voici des exemples de questions d’interprétation à partir d’extraits de textes et des pistes de réponses possibles.
Dans cet extrait du roman Eux Nous Lui, le narrateur rencontre le directeur du centre jeunesse dans lequel il se trouve. Ce dernier lui conseille de bien choisir ses fréquentations, ce qui fait réagir l’adolescent. D’après toi, pourquoi le narrateur emploie-t-il l’ironie dans l’extrait suivant?
« J’étais tombé dans le piège. Je venais de nourrir la bête. Il allait saisir l’occasion pour me sermonner. J’aurais dû le voir venir. J’aurais droit au fameux discours sur la mauvaise influence de mon ami, sur l’importance de garder mes distances avec ces dangereux jeunes. »
— Eux Nous Lui, p. 135, Patrick Isabelle[6]
Pistes de réponses possibles
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Opposition entre la pensée du narrateur et celle des intervenants
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Dénonciation de la perception stéréotypée des jeunes en centre jeunesse
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Amplification de l’inutilité de la rencontre selon le narrateur
D’après moi, grâce à l’ironie, le narrateur dénonce le fait que, selon lui, les intervenants du centre ont une perception stéréotypée des jeunes en centre jeunesse. En effet, en employant l’expression écrite en italique ces dangereux jeunes, telle qu’elle aurait été dite par les intervenants, il exprime le contraire de sa pensée, soit que la plupart des jeunes sont inoffensifs. L’ironie employée permet donc de créer un contraste entre sa réelle pensée et celle des intervenants, ce qui démontre à quel point il trouve cette rencontre inutile.
Dans la chronique Félicitations, vous êtes renvoyée, on raconte ce qui est arrivé à une mère lors de son retour au travail après un congé de maternité. Selon toi, qu’est-ce que l’ironie révèle par rapport à l’opinion de la chroniqueuse?
« À la veille de son retour au travail après un congé de maternité, [la femme] a annoncé à son patron qu’elle était de nouveau enceinte. En guise de félicitations, elle a reçu quelques jours plus tard une lettre enregistrée l’informant de son congédiement. »
— Félicitations, vous êtes renvoyée, Rima Elkouri[7]
Pistes de réponses possibles
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Dénonciation de l’injustice vécue par la mère
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Remise en question de la décision prise par les employeurs
Selon moi, l’ironie permet de révéler la position de la chroniqueuse qui dénonce l’injustice de la situation. En effet, en employant l’expression En guise de félicitations, elle exprime le contraire de ce qu’elle pense réellement : il est en fait aberrant de recevoir un congédiement lorsqu’on annonce qu’on est enceinte. L’ironie permet donc de faire ressortir son point de vue défavorable par rapport à la décision prise par les employeurs.
Il existe d’autres figures d’opposition.
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Tremblay, M. (1971). À toi, pour toujours, ta Marie-Lou. Leméac Éditeur.
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Elkouri. R. (2022, 24 novembre). En attendant que les temps changent. La Presse. https://www.lapresse.ca/actualites/chroniques/2022-11-24/en-attendant-que-les-temps-changent.php
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Marineau, M. (2010). La route de Chlifa. Éditions Québec Amérique.
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Sirois, A. (2023, 14 janvier). De vieilles Volvo pour notre armée, ça suffit ! La Presse. https://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/2023-01-14/de-vieilles-volvo-pour-notre-armee-ca-suffit.php
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Les Cowboys fringants. (2004). Si la vie vous intéresse. [Enregistrement sonore]. La Grand-Messe, La Tribu.
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Isabelle, P. (2020). Eux Nous Lui. Leméac Éditeur.
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Elkouri. R. (2010, 8 mars). Félicitations, vous êtes renvoyée. La Presse. https://www.lapresse.ca/debats/chroniques/rima-elkouri/201003/07/01-4258272-felicitations-vous-etes-renvoyee.php