L’anaphore est une figure de style d’insistance. C’est une répétition qui consiste à répéter un mot, une expression ou un groupe de mots en début de phrase, de paragraphe, de vers ou de strophe. On retrouve cette figure de style dans différents types de textes.
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« Aziz regardait le paysage nouveau défiler derrière la fenêtre de la portière. Il trouvait beau l’espace que fendait l’auto. Il trouvait beaux les arbres que ses yeux perdaient de vue. Il trouvait belles les vaches aux cornes badigeonnées de route, calmes comme de grosses pierres posées sur le sol brûlant. »
— L’orangeraie, p.10-11, Larry Tremblay[1]
Dans cet extrait, il y a une anaphore, puisque l’expression Il trouvait beau est répétée en début de phrase. -
« Elle m’a dit tu repars
Sans que je t’arrête
Sans lever les bras
Sans baisser les yeux »
— Oublie pas, Karkwa[2]
Dans cet extrait, il y a une anaphore, puisque la préposition Sans est répétée en début de vers. -
« On peut se perdre en mer,
Sur terre
Ou dans les airs.
On peut se perdre
Dans trop de bruit
Ou
Pas assez.
On peut se perdre
Absolument partout,
Au fond. »
— Jack et le temps perdu, p.36, Stéphanie Lapointe[3]
Dans cet extrait, il y a une anaphore, puisque l’expression On peut se perdre est répétée en début de strophe.
Pour repérer une anaphore, il faut porter une attention particulière aux mots, aux expressions ou aux groupes de mots qui se répètent en tête de phrase, de paragraphe, de vers ou de strophe. Le ou les premiers mots doivent être pareils, alors que le reste de la phrase ou du vers est souvent différent.
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« Ne tuons pas la beauté du monde
Ne tuons pas le chant des oiseaux
Ne tuons pas le bleu du jour »
— Hymne à la beauté du monde, Luc Plamondon[4]Dans cet extrait de chanson, on peut repérer une anaphore, puisque l’expression Ne tuons pas est répétée en début de vers.
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« Mes élèves, normalement quand on veut montrer la grandeur d’une étoile, on donne des chiffres, le nombre de disques vendus, de billets vendus, de cotes d’écoute, de trophées remportés… [Dominique Michel] en possède plein de ces records étourdissants, mais la grandeur de cette dame va au-delà. C’est plus profond. C’est l’amour. C’est la sincérité. »
— La reine Dodo, Stéphane Laporte[5]Dans cet extrait d’article, on peut repérer une anaphore, puisque le présentatif C’est est répété en début de phrase.
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« J’ai besoin de la nuit pour la tristesse
J’ai besoin de la nuit pour t’écrire
J’ai besoin de la vue pour vivre
J’ai besoin du présent pour être
J’ai besoin du passé pour durer
Demain m’ignore »
— Uiesh — Quelque part, p.38, Joséphine Bacon[6]
Dans ce poème, on peut repérer une anaphore, puisque l’expression J’ai besoin de est répétée en début de vers.
L’anaphore est une figure d’insistance qui sert à mettre l’accent sur un ou des éléments présents dans le texte. Elle peut insister, entre autres, sur un état psychologique, sur les caractéristiques d’un lieu ou d’un personnage ou sur un thème. Elle peut également créer un effet sonore.
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« J’aimerais que vous la connaissiez, la fille au ventre rond. Celle qui élèvera seule ses enfants. Qui criera après son copain qui l’aura trompée. Qui pleurera seule dans son salon, qui changera des couches toute sa vie. Qui cherchera à travailler à l’âge de trente ans, qui finira son secondaire à trente-cinq, qui commencera à vivre trop tard, qui mourra trop tôt, complètement épuisée et insatisfaite. »
— Kuessipan, p.11, Naomi Fontaine[7]Dans cet extrait de roman, la répétition du pronom relatif Qui en tête de phrase permet d’insister sur les multiples épreuves difficiles que la femme autochtone monoparentale dont il est question dans le texte doit affronter.
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« J’en appelle à la poésie
Du territoire à choisir et inventer de Miron
[…]J’en appelle à la poésie
Dans le cœur en forme de bouche de Chloé Ste-Marie
[…]J’en appelle à la poésie
De Speak White à Speak what
[…] »
— J’en appelle à la poésie, David Goudreault[8]Dans cet extrait de slam, l’expression J’en appelle à la poésie est répétée en début de strophe. Cette répétition permet d’insister sur le thème central du slam, soit la volonté que la poésie soit davantage présente dans la société.
Lorsqu’on interprète une anaphore, il faut émettre une hypothèse sur son sens en faisant un lien entre l’effet créé par l’élément répété et le contexte de l’œuvre. Voici des exemples de questions d’interprétation à partir d’extraits de textes et des pistes de réponses possibles.
Dans ce court poème, on décrit une manière de penser, un mode de vie. Selon toi, quel est l’effet créé par cette anaphore?
« on s’entête à construire
les mêmes familles
les mêmes bungalows
les mêmes châteaux
il manquerait juste un chien qui aboie
pour se donner un peu de crédibilité »
— Le ciel en bloc, p.16, Mireille Gagné[9]
Pistes de réponses possibles
- Effet d’insistance sur les ressemblances entre les gens
- Critique du modèle commun de la société actuelle
Selon moi, l’anaphore crée un effet d’insistance sur la similitude du mode de vie des gens dans la société d’aujourd’hui. La répétition de l’expression les mêmes… en début de phrase met l’accent sur une réalité dans la société actuelle : on cherche toujours à reproduire ce que les autres font ou à avoir ce que les autres possèdent. L’anaphore permet donc de critiquer le modèle commun que la société nous pousse à envier.
Dans cette chanson qui s’intitule La lumineuse (lettre à mon fils), l’énonciatrice s’adresse à son enfant. D’après toi, sur quoi peut-elle vouloir insister à ce moment grâce à l’anaphore?
« Pour toi je ne veux que le sublime
La funambulesque beauté
Pour toi je n’espère que la cime
Et les ailes pour y aspirer »
— La lumineuse (lettre à mon fils), Ingrid St-Pierre[10]
Pistes de réponses possibles
- Effet d’insistance sur ce que la mère veut pour son enfant
- Démonstration de l’importance de l’enfant pour sa mère
D’après moi, l’anaphore permet d’insister sur les souhaits bienveillants que la mère a pour son enfant. En effet, elle ne lui souhaite que le plus beau dans la vie et le fait qu’elle le répète dès les premiers mots des vers crée un effet d’intensité qui démontre à quel point son enfant est précieux pour elle.
Il existe d’autres figures d’insistance.
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Tremblay, L. (2016). L’orangeraie. Éditions Alto.
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Karkwa. (2008). Oublie pas. [Enregistrement sonore]. Le volume du vent, Audiogram.
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Lapointe, S. et Côté-Lacroix, D. (2018). Jack et le temps perdu. Éditions XYZ.
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Plamondon, L. (1979). Ne tuons pas la beauté du monde. [Enregistrement sonore]. Strip Tease, Barclay.
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Laporte, S. (2022, 24 septembre). La reine Dodo. La Presse. https://www.lapresse.ca/actualites/chroniques/2022-09-24/la-reine-dodo.php
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Bacon, J. (2018). Uiesh — Quelque part. Éditions Mémoire d’encrier.
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Fontaine, N. (2011). Kuessipan. Éditions Mémoire d’encrier.
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Goudreault, D. (2020). J’en appelle à la poésie. [Enregistrement sonore]. Le nouveau matériel, Grande Plume.
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Gagné, M. (2020). Le ciel en bloc. Éditions de l’Hexagone.
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St-Pierre, I. (2019). La lumineuse (lettre à mon fils). [Enregistrement sonore]. Petite plage, Simone Records.