La litote est une figure de style d’atténuation. Elle consiste à atténuer une expression pour renforcer une idée. En d’autres mots, des termes atténués sont employés pour en faire comprendre davantage. On retrouve cette figure de style dans différents types de textes.
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« — Jeune homme, c’est pas très propre ce que vous faites. Certains enfants vont toucher le poteau. C’est un peu dégoûtant. Sans parler des microbes… »
— L’enfant mascara, p. 31, Simon Boulerice[1]
Dans cet extrait de roman, on retrouve deux litotes, puisque les expressions atténuées c’est pas très propre et C’est un peu dégoûtant sont employées pour en faire comprendre davantage, soit le fait que l’action posée par le garçon est sale et répugnante. -
« Les grosses tempêtes qui traînent à pus finir
J’ferme toutes mes fenêtres pis j’veux même pus sortir
Oh, y fait pas chaud
Même si l’hiver est beau »
— Lit vert, Plume Latraverse[2]
Dans cet extrait de chanson, on retrouve une litote, puisque l’expression atténuée y fait pas chaud est employée pour en faire comprendre davantage, soit le fait qu’il fait froid. -
En entrant dans cette maison inhabitée, le policier eut un haut-le-cœur. Ça ne sentait vraiment pas la rose.
Dans cet exemple, on retrouve une litote, puisque l’expression atténuée Ça ne sentait vraiment pas la rose est employée pour en faire comprendre davantage, soit le fait que l’odeur de la maison était très désagréable.
Pour repérer une litote, il faut porter une attention particulière aux expressions et aux groupes de mots qui en disent moins dans le but de renforcer une idée.
Voici deux méthodes pouvant être utilisées pour la construire.
Méthode pour construire une litote |
Exemple |
Négation (ne… pas, ne… plus, etc.) + mot de sens contraire à ce qui est exprimé |
« Avec nos yeux, avec nos mains Dans cet extrait de texte poétique, on retrouve la litote ne pas être malheureux. On y renforce l’idée que l’énonciateur souhaite être heureux par le biais de la négation de son contraire, soit le fait d’être malheureux. |
Utilisation d’un terme de sens négatif ou atténué (manquer de, peu, plutôt, assez, légèrement, etc.) |
Il recracha sa soupe dès que la cuillère toucha sa langue. Dans cet exemple, on retrouve la litote C’est plutôt chaud. On y renforce l’idée que la soupe est brulante en utilisant l’adverbe plutôt, qui atténue le sens du mot chaud. |
L’euphémisme est également une figure d’atténuation qui emploie des termes atténués. Contrairement à la litote, elle ne permet pas d’en faire comprendre davantage, mais vise plutôt à adoucir une réalité difficile, choquante, triste, déplaisante ou perçue négativement.
Litote |
Euphémisme |
Le nouvel élève franchit la porte de la salle de classe. Tous les regards se tournèrent vers lui. Il n’était pas laid du tout… La litote Il n’était pas laid du tout permet de renforcer l’idée que le personnage en question est beau par la négation de son contraire. On ne cherche pas à atténuer cette réalité, mais plutôt à la mettre en évidence |
Le nouvel élève franchit la porte de la salle de classe. Tous les regards se tournèrent vers lui. Malgré le fait qu’il était non-voyant, il le sentit aussitôt. L’euphémisme non-voyant permet d’atténuer le terme aveugle. Il s’agit d’une façon plus polie d’aborder cette réalité. |
La litote, en faisant ressortir une idée par le biais de termes atténués, permet, entre autres, de faire comprendre sa pensée sans la mentionner directement. Elle permet ainsi de créer un effet humoristique ou ironique, ou encore de faire preuve de nuance ou de retenue dans ses propos. Elle peut aussi servir à exprimer des aveux, des opinions ou des compliments.
Lorsqu’on interprète une litote, on tente de créer un lien entre l’effet créé par l’atténuation et le contexte de l’œuvre. Il faut ainsi émettre une hypothèse sur le sens et l’importance de la litote dans le texte en se questionnant sur l’idée qui a été renforcée et sur l’intention de ce renforcement. Voici des exemples de questions d’interprétation à partir d’extraits de textes et des pistes de réponses possibles.
Dans le roman Tara voulait jouer, Tara est à la recherche d’un coach pour l’aider à se préparer aux auditions de l'École nationale de théâtre. Dans l’extrait suivant, son enseignante d’art dramatique, Marie-France, lui conseille de contacter Simon Lafleur, un potentiel entraineur. Elle prend tout de même le temps de le décrire à Tara avant de lui laisser ses coordonnées. Selon toi, qu’est-ce que la litote employée par Marie-France laisse-t-elle percevoir quant à sa perception du personnage de Simon?
« — Il est… spécial.
Elle a précisé intense, déroutant, libre, mais efficace. Dangereusement efficace.
— Il est pas reposant, mais je pense que c’est le meilleur coach que tu puisses avoir, si t’es prête à travailler fort. […] »
— Tara voulait jouer, p. 27, Frédérick Wolfe[4]
Pistes de réponses possibles
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Négation du fait d’être reposant
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Accentuation de son contraire, soit le fait d’être épuisant, de déplacer de l’air
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Opinion selon laquelle Simon est très intense, à un tel point qu’une mise en garde est nécessaire
À mon avis, la litote Il est pas reposant démontre bien le point de vue de Marie-France envers Simon : on peut en comprendre qu’elle trouve son comportement très intense, ce qui accentue son talent de coach, mais qui peut aussi le rendre difficile à côtoyer. En effet, la négation du terme reposant met l’accent sur son contraire, soit le fait d’être épuisant. Ainsi, bien que Marie-France recommande Simon comme entraineur, elle ressent le besoin de mettre Tara en garde, car elle sait combien il déplace de l’air et qu’il peut être exigeant.
Dans cet extrait du roman La Cagoule, Maxime, le personnage principal, se fait arrêter pour possession de substances illicites. Il se retrouve devant un juge, qui lui mentionne les paroles suivantes.
« Si tu n’avais pas été mineur, on t’aurait enfermé pour six ou sept ans, et je n’ose même pas penser à ce que tu aurais dû subir si tu avais été arrêté aux États-Unis. Avec un dossier comme celui-là, on t’aurait enfermé dans un pénitencier pour adultes, et laisse-moi te dire que ça ne ressemble pas à un camp de vacances. »
— La Cagoule, p. 12, François Gravel[5]
Selon toi, quel est l’effet de la litote que l’on y retrouve?
Pistes de réponses possibles
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Comparaison entre un pénitencier et un camp de vacances pour en dégager les différences et pour interpeller Maxime
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Atténuation par la négation qui met l’accent sur l’aspect contraire d’un camp de vacances, donc l’absence de plaisir et de liberté
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Renforcement des aspects désagréables de la détention dans un pénitencier pour convaincre le jeune homme de la chance qu’il a de ne pas s’y retrouver
Selon moi, la litote choisie permet de renforcer l’idée selon laquelle le jeune homme a beaucoup de chance de ne pas se retrouver dans un pénitencier, et ce, par le biais d’une comparaison qu’il peut facilement s’imaginer. En effet, en niant la ressemblance entre ce type d’établissement et un camp de vacances, le juge met l’accent sur l’absence de plaisir et de liberté que l’on y retrouve. On compare donc un pénitencier à un camp de vacances dans le but de rejoindre davantage le jeune homme, qui a l’âge de se trouver dans un camp de vacances plutôt que dans une prison.
Il existe d’autres figures d’atténuation et d’omission.
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Boulerice, S. (2016). L’enfant mascara. Leméac Éditeur.
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Latraverse, P. (1975). Lit vert. [Enregistrement sonore]. Le vieux show son sale, Deram Records.
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Vigneault, G. (2015). Le grand cerf-volant. Éditions du Seuil.
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Wolfe, F. (2021). Tara voulait jouer. Leméac Éditeur.
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Gravel, F. (2021). La Cagoule. Éditions Québec Amérique.